Cette semaine sur Channel 4, sa majesté Elisabeth II a mis en garde ses sujets britanniques : attention au deepfake ! Le deepfake ou hypertrucage, permet à l’aide d’une intelligence artificielle de remplacer le visage et la voix d’une personne dans une vidéo par ceux d’une autre personne. Ainsi, à condition de disposer d’assez d’enregistrements vidéos de quelqu’un, il devient possible de lui voler sa voix et son visage.

Dans cette vidéo, le public a ensuite vu la Reine entamer une danse TikTok sur la table de Westminster Palace. Elle était victime d’un canular aussi drôle qu’informatif des journalistes de Channel 4 qui démontraient par l’exemple la puissance du deepfake. La blague aura quand même engendré plus de 200 plaintes à l’Ofcom, équivalent du CSA outre Manche.

Alors, mort de rire ou mort de trouille ? Le deepfake fera-t-il de la vidéo un média obsolète pour des communications authentiques ? On vous laisse décider en découvrant ces 3 étapes marquantes du deepfake.

Si vous donnez une technologie nouvelle aux possibilités incroyables à l’humanité, elle réfléchira immédiatement à son application libidineuse. La start up DeepNude proposait de réaliser « le rêve de tout homme » selon son slogan. À partir d’une photo d’une femme habillée, l’application générait une image d’elle nue. Face au tollé général et aux menaces de procès en série, les créateurs ont rapidement retiré l’application du web. Ils n’auront en tout cas pas été seuls à avoir des idées qui dépassent les limites de la décence et de la loi. Selon une étude réalisée par la société de cybersécurité Deeptrace et reprise par CNN, 96% des vidéos deepfakes en ligne en 2019 étaient pornographiques. On a ainsi vu fleurir sur les sites pornos des milliers de vidéos celeb. Elles représentent des stars dans des ébats torrides. Si le tout Hollywood ne s’est pas encore mis à la sextape, il est une cible de choix pour les excités du deepfake. Il suffit de récupérer les visages et voix dans les blockbusters puis de les greffer sur des productions pour adultes. Or, plus la quantité de vidéo fournie à l’intelligence artificielle est importante, meilleure sera la qualité de l’hypertrucage.

Le deepfake a fait fleurir des escroqueries financières complexes. Ainsi dans un témoignage recueilli par Forbes, un agent d’assurance raconte la mésaventure d’un de ces clients anonyme. Un jour, le directeur de la branche anglaise d’une entreprise de l’énergie allemande a reçu un message de son CEO lui ordonnant de transférer 243 000 dollars à un fournisseur. Il s’est immédiatement exécuté, reconnaissant distinctement sa voix, son intonation et même son accent allemand. L’argent s’est ensuite volatilisé à Mexico. Un escroc avait réussi par un deepfake vocal à voler l’identité du CEO. La technique est incroyablement simple et accessible à n’importe qui disposant d’un ordinateur assez récent et d’une bonne connection wifi. Lors d’une autre affaire survenue en 2019, un autre groupe d’escrocs avait soutiré 8 millions d’euros à un businessman israëlien en se faisant passer pour Jean Yves Le Drian: un imitateur professionnel avait été recruté, et le bureau entier du ministre reconstruit. Avec le deepfake, ce genre d’escroquerie devient infiniment plus facile à réaliser et donc plus convaincante. On ne vous encourage pourtant pas à usurper la voix de votre RH pour annoncer à la compta le triplement de vos tickets resto en 2021 !

En France, l’association Solidarité Sida a posté une vidéo truquée de Donald Trump annonçant la fin du Sida pour attirer l’attention sur le manque d’engagement des politiques. Avec 2,4 millions de vues sur Twitter uniquement, le coup de communication a frappé les esprits. Si ces cas peuvent sembler loufoques, ils engendrent un sérieux risque pour la démocratie. La généralisation du deepfake pourrait entraîner des manipulations de l’opinion publique à grande échelle. Une déferlante de fake news hyper réalistes est donc à craindre.