Un indépendant nous demande un TJM de 600 euros. Nous prend-t-il pour des prunes ?

Nous avons demandé à la néo banque et à la mutuelle des indépendants si leurs clients mangeaient des truffes à chaque petit déjeuner.

Le taux journalier moyen (TJM) est un sujet de discussion récurrent entre indépendants expérimentés et débutants. Pour les nouveaux venus dans l’univers du freelancing, il est difficile de réaliser combien ils gagneront après paiement des impôts, taxes, cotisations et autres coûts cachés associés à ce statut. Et pourtant, la question du profit est cruciale pour les freelances. Ils sont en effet entrepreneurs avant d’être indépendants.

Si trouver un équilibre entre compétitivité et rentabilité pour un freelance est difficile, comprendre les coûts qui se cachent derrière le TJM l’est d’autant plus pour leurs clients. Les indépendants regorgent tous d’anecdotes qu’ils échangent dans leurs groupes sur les réseaux sociaux concernant des clients qui bloquent sur leur TJM. Parfois drôles, elles révèlent souvent un tabou qui ne devrait plus l’être à l’heure de la montée en puissance des indépendants en France.

Afin d’aider tant les freelances qui se lancent que leurs clients à comprendre le vrai coût du travail d’un indépendant, nous avons interviewés 2 professionnels qui connaissent au mieux leurs enjeux. Estelle travaille pour Shine, la néo banque des indépendants, Jean lui s’occupe du marketing de Wemind, leur néo assurance solidaire.

Nous leur avons demandé si les freelances mangeaient des gâteaux à la feuille d’or chaque midi. Découvrez leur réponse maintenant.

 

 

 

 

Tout d’abord, merci Estelle et merci Jean de vous prêter à cette interview. Première question un brin provocatrice mais dans le vif du sujet. Un TJM de 600 euros, c’est scandaleux pour toi ?

 

Estelle : Non, si la personne est compétente, elle dispose de l’expertise et de l’expérience dont vous avez besoin. Cela dépendra aussi de son secteur, on sait que les prix sont élevés pour le digital comme pour les développeurs et que les prix du marché peuvent être élevés.

Jean : C’est avant tout une question de marché et au final cela repose sur pas mal de critères. Le bon TJM c’est surtout celui sur lequel le freelance et l’entreprise s’accordent. Or certaines compétences sont rares, et il faut bien sûr prendre en considération que le TJM intègre beaucoup de choses : les cotisations, son matériel, ses outils, le temps qu’il passe à faire sa prospection…

 

Estelle, Shine a publié une étude très précise sur les revenus des salariés vs des freelances. On y découvre le revenu net comparatif de plusieurs professionnels, selon leur statut. Pourquoi avais-tu piloté cette étude ?

 

Estelle : Assez vite on s’est rendu compte qu’on ne parlait pas assez d’argent et qu’on ne répondait pas à la principale question : Est-ce que je vais aussi bien gagner ma vie que quand j’étais salarié en prenant le risque de devenir indépendant ? On a voulu y répondre de façon pragmatique : quand tu as fixé ton TJM, que tu as payé tes factures et tes cotisations, que te reste t-il concrètement ?

 

Et qui gagne le plus finalement ? Un salarié ou un freelance ? On veut la vérité sans langue de bois.

Estelle : Désolée, mais ce qu’on a découvert au fil de l’étude, c’est qu’il n’existe pas de réponse simple. Tout dépend de la durée de la mission, de sa nature, de la valeur de tes compétences sur le marché… Mais il ne faut pas avoir en tête uniquement les coûts. Les freelances ont des compétences que les salariés n’ont pas. Ils sont aussi des entrepreneurs et n’ont pas la même méthode de travail. Je ne pense pas que les entreprises doivent réfléchir à remplacer les salariés par des freelances mais plutôt se demander ce qu’elles recherchent en termes de compétence, durée de mission etc….

 

Comprends-tu qu’un TJM puisse sembler trop élevé aux yeux d’un client qui n’a pas l’habitude de bosser avec un indépendant ?

 

Jean : Bien sûr que le prix est un élément important quand on lance une collaboration et qu’il peut y avoir des a priori, ou même des incompréhensions, quand on n’a pas l’habitude de travailler avec des indépendants. Un prix est toujours lié à une logique d’offre et de demande. Donc c’est un enjeu pour le client et pour l’indépendant de savoir se positionner correctement. Et il est désormais simple de comparer, particulièrement avec les plateformes de freelancing qui peuvent fournir une première base. Mais se concentrer sur le prix c’est passer à côté de beaucoup d’autres éléments qui jouent un rôle clé dans une collaboration. Travailler avec un indépendant c’est notamment pouvoir sélectionner des compétences, une expérience, une affinité précise. C’est pouvoir choisir la personne avec qui l’on va collaborer. Ce qui n’est pas toujours possible quand on travaille avec une agence par exemple.

Estelle : Ce qu’on n’a pas toujours en tête quand on compare TJM et salaire, c’est qu’un salaire net n’est pas un salaire brut que l’employeur débourse, les cotisations patronales sont déjà enlevées. À cela s’ajoutent les cotisations salariales puis les impôts qui nous concernent tous. Quand on paye un entrepreneur ou un freelance, il fera face à des charges qu’il devra prendre en compte pour calculer son revenu final. Du côté du commanditaire, faire appel à des freelances c’est s’offrir une forme de flexibilité avec des missions qu’on va pouvoir prendre ou interrompre. C’est quelque chose qui se paye.

 

Jean, concernant ces coûts cachés que supportent les indépendants, peux-tu nous en dire plus sur la protection et l’assurance ?

Jean : Quand on est indépendant, protéger sa santé c’est protéger son mode de vie. S’il vous arrive quelque chose, une maladie ou un accident, vous n’avez pas de filet de sécurité qui va vous permettre de faire face aux dépenses et de conserver vos revenus. Alors que la mutuelle et la prévoyance (l’assurance qui maintient vos revenus en cas d’arrêt de travail) sont toutes les deux obligatoires pour les salariés, il n’en est rien pour les indépendants. De manière concrète, cela veut dire que si vous avez un accident de ski ou de vélo et devez annuler vos missions pour les 2 prochains mois, vous pouvez vous retrouver sans revenus pour faire face à votre loyer, vos dépenses de santé, vos charges, etc. C’est pour ça que ces assurances sont essentielles pour un indépendant, et qu’elles doivent donc être intégrées dans les charges.

 

Jean, peux-tu nous en dire plus sur ce que vous faites chez Wemind à ce propos ?

 

Jean : Wemind est une néo-assurance spécialisée pour les indépendants et les entrepreneurs. Nous sommes une entreprise à mission qui a pour but de protéger ses membres. C’est pour ça que nous ne parlons pas de clients, mais bien de membres. Nous constituons une communauté dans laquelle chacun participe à couvrir les autres. Nous avons créé des assurances en partant de ce que nous voulions pour nous même, c’est-à-dire de très bonne couvertures et une qualité de service exceptionnelle. Notre mission est plus large que les assurances qu’on propose. C’est pourquoi on soutient le syndicat indépendants.co qui défend un nouveau contrat social pour les indépendants et les entrepreneurs. C’est un engagement qui prend tout son sens dans le contexte de crise que nous traversons.

Estelle : Shine soutient aussi independants.co. L’un des principaux problèmes des entrepreneurs, c’est la solitude. Il est pourtant important d’unir leurs forces pour pouvoir faire entendre leur voix ! Independants.co a su prendre cette place et se faire le porte voix des indépendants auprès du gouvernement. C’est une initiative géniale, d’autant plus en cette période qui est très compliquée à passer pour les entrepreneurs.

Un mot de clôture sur une question que nous n’aurions pas abordée ?

 Jean : Les indépendants et les entrepreneurs sont de véritables forces vives dans notre société. Ils incarnent une définition particulière du travail que l’on admire chez Wemind. Ce sont des personnes qui ont choisi la liberté de vivre, de construire leur propre vision, et de trouver du sens dans ce qu’ils font. Pour les entreprises, ils représentent une nouvelle façon de collaborer, peut être davantage centrée sur l’humain et l’authenticité. Une nouvelle forme de travail qui peut donner vie à des projets extraordinaires et impactants.

Estelle : Chez Shine à côté de notre contrat de salarié, on nous offre 1j de RTT/ mois pour travailler en tant qu’indépendant pour nous permettre de nous mettre dans la peau de nos utilisateurs. On réalise vite qu’être indépendant nous permet de gagner en compétences. Être freelance force à se former, à découvrir d’autres entreprises et d’autres méthodes, et à développer une attitude créative dans son travail.

Vous l’aurez compris, le TJM d’un indépendant cache en réalité des coûts qu’il supporte et qui n’apparaissent pas dans un devis. Toutefois, faire appel à des indépendants plutôt que de déléguer en interne ne se réduit pas à une question de coût mais surtout de compétences et de nature de la mission à effectuer. Nous espérons que ces deux interviews sans langue de bois vous aideront à mieux fixer votre TJM si vous êtes indépendant ou à mieux le comprendre en tant que client d’un indépendant.